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Les énergies marines renouvelables connaissent, comme évoqué dans notre précédent article, un développement global ambitieux et prometteur, soutenu au niveau international par les engagements de l’accord de Paris en 2015 et au niveau national par la récente loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Assurer la viabilité de cette industrie passe d’un côté par le succès de ses projets éoliens offshores et d’un autre côté par l’optimisation de ses coûts de développement, de construction, d’exploitation et de maintenance (Devex/Capex/Opex ), caractérisés par le LCOE ou Levelized Cost Of Energy (en €/MWh). Cela nécessite de relever de nombreux challenges aussi bien technologiques qu’économiques et industriels, enjeux qui se traduisent dans le développement et l’exécution des projets de fermes éoliennes en mer, en particulier par des problématiques de gestion de projet (PMO), mais aussi de management de contrat (CM).

Challenges technologiques, économiques et industriels

Comme souvent pour des projets industriels de cette envergure, les parcs éoliens en mer, représentant pour un projet commercial de 500 MW un investissement moyen de plus de 2 milliards d’euros, font face à des contraintes importantes pour respecter les objectifs de délais, de coûts, de qualité et HSE. La réussite de ces premiers projets, depuis les phases de développement et de construction, en passant par l’exploitation et maintenance jusqu’au démantèlement, conditionne la crédibilité et la maturation de cette filière.

En phase de développement tout d’abord, on notera la nécessité d’un dialogue de qualité avec les pouvoirs publics, les investisseurs et les populations locales pour construire un projet cohérent et acceptable, tout en considérant le processus contraignant et complexe des autorisations. Ce cadre  simplifié en 2018 avec la création du permis enveloppe nécessite toutefois, à la fois une concertation locale et des études d’impact environnemental. Ces éléments, ainsi que le montage industriel, sont déterminant pour la décision finale d’investissement et le lancement du projet dans un délai raisonnable. Le financement des projets, s’appuyent sur des prix de rachat d’électricité garantis ou encore sur des contrats négociés de rachat d’électricité tels que les PPAs (Power Purchase Agreement).

Viennent ensuite les verrous technologiques à lever pour arriver à une proposition technique satisfaisante, comprenant entre autres :

  • Le développement de nouvelles turbines, plus grandes qui avec une puissance nominale plus importante (proportionnelle à la surface balayée par l’éolienne), améliorera la rentabilité des champs pour un nombre de mâts moins importants. Aujourd’hui, les turbines ont une hauteur de 164 m pour 8 MW; demain les éoliennes de 12 MW (en attendant celles de 15 MW) auront en 2022 une hauteur supérieure à 260 m pour 12 MW (contre 324 m pour la tour Eiffel).
  • Le développement de câbles dynamiques pour les connexions inter-éoliennes et l’export des futurs parcs flottants (aujourd’hui un nombre important des claims pour les éoliennes en mer posées sont dues à des défauts ou des endommagements des câbles, maillons critiques pour l’exploitation du parc).
  • Les conditions difficiles de l’environnement marin : corrosion, conditions météorologiques sévères (vents, vagues, courants) et leurs impacts sur les difficultés d’accès en installation et en exploitation mais aussi sur les contraintes de construction pour une exploitation sur site de 25 à 40 ans.
  • L’intégration au réseau avec l’anticipation d’une nécessaire modularité, telle que l’interconnexion des champs et des réseaux en mer du Nord, ou encore le développement de smart grid.
  • Les fondations posées et flottantes, ainsi que les ancrages, développés de façon générique ou pour un site particulier tenant compte des conditions métocean et de sol et des contraintes industrielles.
  • Les sous-stations électriques, fixes ou flottantes, modulables permettant l’évolution et l’ajout de nouvelles capacités.

Enfin sur le plan industriel et logistique, plusieurs aspects sont à considérer et à anticiper :

  • L’industrialisation d’une filière encore jeune et en pleine structuration, avec une technologie en développement continue et un retour d’expérience limité, nécessite pour renforcer le développement de sa chaîne d’approvisionnement des volumes conséquents et donc de nouveaux appels d’offres pour réduire les coûts de production.
  • Les aspects ports & logistique : les infrastructures portuaires sont à développer avec des aires suffisamment grandes pour la construction, le stockage, la manutention, le pré-montage, les réparations ainsi que la création des bases de maintenance, véritable centre de gestion opérationnelle des fermes éoliennes en mer.
  • Les phases d’installation et de maintenance nécessitent d’anticiper la mobilisation des navires, les aléas dus aux conditions météorologiques, l’endossement des conditions de sol par l’installateur, mais aussi la construction de nouveaux navires et engins de levage spécifiques.
  • Le risque de bottleneck (ou d’engorgement) est réel que ce soit pour la fabrication et la livraison des équipements (turbines, câbles inter-éoliennes et export), ou pour la disponibilité des navires et engins de levage spécifiques à mobiliser alors que de nombreux parcs éoliens sont en cours de développement.
  • L’anticipation de l’exploitation et de la maintenance des parcs avec le développement de nouveaux processus de maintenance préventive et de monitoring depuis un centre d’opération à distance, mais aussi la cohabitation avec les différents usagers de la mer : trafic maritime, pêche, tourisme, population locale.

Challenges juridiques

Le droit français ne prévoit pas de réglementation spécifique en la matière pour la ZEE (zone économique exclusive). Tout au plus le droit indique que la République française exerce des droits souverains sur l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux surjacentes. Il est précisé que les autorités françaises exercent les compétences reconnues par le droit international en matière de protection et préservation du milieu marin, recherche scientifique marine, mise en place et utilisation d’îles artificielles, installations et ouvrages.

De plus, la loi n° 2003-346 du 5 avril 2003 a créé une zone de protection écologique (ZPE) en Méditerranée, où il n’y a pas de ZEE. Elaborée à l’origine afin de lutter contre les navires pollueurs, elle permet également – tout comme la ZEE – d’exercer des compétences en matière de préservation de l’environnement marin ou encore d’installations ou d’ouvrages.

Dans les deux cas, ZEE et ZPE, la loi de 2003 a permis d’assurer la compétence des autorités françaises en matière d’installations incluant les éoliennes offshores.

En revanche, concernant la mer territoriale, la législation – quoique non spécifique aux éoliennes – est précise. Cette zone fait en effet partie du domaine public maritime (DPM), en ce qui concerne le sol et le sous-sol (loi n° 63-1178 du 28 nov. 1963 relative au domaine public maritime et décret n° 66-413 du 17 juin 1966). La largeur de la mer territoriale française est fixée à 12 milles marins.

Tout changement substantiel d’utilisation des zones du DPM est alors soumis à enquête publique afin de répondre à la préservation des sites et paysages qui est un des objets de la politique de protection et de mise en valeur du littoral.

De plus de nombreuses contraintes sont à prendre en compte dans un aspect juridique: en voici une liste non exhaustive :

  • Balisage des éoliennes
  • Transmission des communications
  • Nuisances acoustiques
  • Préservation des paysages
  • Etc…

Deux questions doivent donc être abordées en relation avec les éoliennes : d’une part, celle des contraintes juridiques liées notamment à la volonté de prévenir des conflits d’usage et, d’autre part, celle relative à la préservation des paysages et de l’environnement.

Stratégie et enjeux contractuels

Les projets éoliens en mer sont ainsi plus complexes que les projets éoliens terrestres avec des risques élevés en termes de délais, de coûts, de qualité et de HSE. Ces risques liés au niveau de maturité de cette industrie, à l’environnement marin et au grand nombre de parties prenantes influent fortement sur l’organisation de ces projets et la structure contractuelle utilisée.

D’une part, ces projets comportent de nombreuses interfaces entre les acteurs des différents packages : fondations, turbines (WTG – Wind Turbine Generator), câbles inter-éoliennes et d’export, sous-stations électriques, et enfin le gestionnaire du réseau qui a à sa charge la connexion de la ferme éolienne au réseau Haute Tension à terre via des câbles sous-marins depuis la sous-station électrique (ou BoP – Balance of Plant) qui sera en France incluse dans son scope à partir du troisième appel d’offre (AO3 pour Dunkerque).

Cette organisation va de pair avec une diversité des acteurs et parties prenantes : investisseurs et financeurs, porteurs du projets ou consortium, états et collectivités locales, assureurs, constructeurs, fabricants, installateurs, sous-traitants, tierce parties, autorités de réglementation.

Ainsi une attention particulière est à porter à l’allocation des risques et à la gestion du planning du projet, passant par une coordination temporelle indispensable pour éviter les risques de délais considérant :

  • L’impact du cadre administratif et réglementaire,
  • Le développement des infrastructures portuaires, des chantiers et des usines,
  • Le développement du réseau électrique,
  • La disponibilité des navires et des engins de levage spécifiques,
  • La fourniture des équipements (turbines, mats, fondations, câbles, ancrages), et leurs interfaces,
  • La gestion des ressources et de la formation (industrie en développement manquant de compétences spécifiques à l’éolien offshore, mais pouvant s’appuyer sur une forte expérience de l’énergie, du maritime et de l’offshore pétrolier),
  • L’appel à un organisme de Certification (Third Party) et à un Marine Warranty Surveyor (MWS) suivant les projets,
  • L’endossement des conditions météorologiques et de sol,
  • La dimension internationale et multiculturelles des organisations projets.

D’autre part, cette complexité spécifique à chaque projet se traduit dans le montage de la structure contractuelle, évoluant en fonction de la taille du projet, mais aussi de la maturité de la filière et de l’expérience des parties prenantes.

Le montage contractuel idéal se retrouve ainsi à mi-chemin entre le contrat EPC clé en main, où le risque de défaillance et le surcoût lié sont importants, et une stratégie multi-contrats avec des lots pilotés par le porteur du projet, nécessitant une forte expérience du consortium, et pour laquelle le risque est fortement lié au nombre d’interfaces et à l’éventuelle défaillance d’un des lots et son impact sur l’ensemble du projet.

L’alternative la plus couramment utilisée est ainsi le découpage du projet en un nombre raisonnable de lots (3 à 5) par travaux et phases avec des contrats clés en main de type EPC pour chaque lot.

Des contrats types peuvent être employés tels que LOGIC, utilisé dans l’industrie Oil & Gas, ou le FIDIC, utilisé pour la construction onshore (le yellow book pour les contrats plant and design-build ou le silver book pour les contrats EPC), sous réserve de modifications pour intégrer les spécificités des constructions offshore et de l’industrie éolienne.

Concernant l’utilisation de navires spécialisés pour l’installation et la maintenance, il est possible d’utiliser les contrats types du BIMCO (association dédiée au transport et aux services maritimes), récemment mis à jour dans cette optique.

Le package comprenant les turbines éoliennes fait souvent l’objet d’un contrat spécifique appelé TSA, pour Turbine Supply & Service Agreement couvrant la prise en charge de l’installation, de la mise en route, de la maintenance et des garanties.

 

Par ailleurs, il est possible de retrouver de façon usuelle dans les contrats les écueils suivants :

  • Le régime de responsabilité (exclusions et limitations),
  • Les droits et obligations des exploitants à la fin de l’exploitation des éoliennes,
  • Les conflits entre la matrice de responsabilités et les conditions générales des différents contrats,
  • Les délais et les mécanismes compensatoires,
  • Les modifications et Les mécanismes de change order,
  • L’ajout par le constructeur de standards applicables au projet, mais non pris en compte dans le contrat.

Il est aussi à noter qu’un des points clés pour ces projets est le fait que, pour répondre aux appels d’offres, des consortiums sont souvent constitués de différentes entreprises qui se retrouvent dès lors liées en cas de succès pour réaliser un projet dont le contour est alors en grande partie figé, à une étape de développement plus ou moins avancée ; chaque compétiteur devant maîtriser les coûts de développement qu’il assumera en cas d’échec dans cet appel d’offres.

Perspectives

A l’avenir cette filière devrait voir se développer de nombreuses innovations technologiques, à l’instar des sous-stations électriques modulables et flottantes, des solutions de stockage de cette énergie intermittente avec la production et du stockage d’hydrogène vert ou encore l’utilisation du BIM dans la conduite du projet et l’exploitation-maintenance.
Les perspectives de la filière sont assurément prometteuses compte tenu des politiques énergétiques et des nombreux appels d’offre annoncés aux différents coins du monde, mais aussi considérant l’entrée dans la course de majors pétroliers tels que Shell et Total, qui prévoient d’investir plusieurs milliards dans les années à venir pour développer leurs activités renouvelables. Cette arrivée à maturité s’accompagnera sûrement d’une consolidation du secteur, à commencer par les équipementiers et les porteurs de projets.

© 2020 Horisis Conseil    |    7ter cour des petites écuries 75010 PARIS    |    01 44 88 80 50

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Depuis 2005, Horisis Conseil mène des missions de conseil et d’accompagnement en management des organisations pour des entreprises industrielles.
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